FFR : l’intendance ne suit plus

“L’intendance suivra…”

Cette citation apocryphe de Charles de Gaulle illustre la place secondaire qu’aurait prétendûment toute fonction qui n’est pas le cœur d’une mission mais en soutient néanmoins l’exercice et en permet la réalisation. Les spécialistes de la stratégie militaire seront certainement les premiers à s’inscrire en faux. Et si l’intendance ne peut vous faire gagner la guerre, elle peut à coup sûr vous la faire perdre…

La fédération française de rugby n’en est peut-être pas à envisager le dépôt de bilan, mais l’examen de ses données comptables annuelles ne laisse guère de place à l’optimisme : naguère solide, la santé financière de la FFR est aujourd’hui très fragile et celle-ci ne peut plus, désormais, se permettre le moindre écart. Pire, des mesures d’économies devront être envisagées pour redresser la barre et assurer sa pérennité.

On peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres, mais certainement pas prétendre, comme le fait Bernard Laporte, dont la gestion est mise en cause par l’actuelle direction, que “la fédération a été très bien gérée”. A l’appui de cette affirmation pour le moins lunaire, celui qui occupa les fonctions de président de la FFR durant sept longues années invoque le rapport établi au premier semestre 2023 par les inspections générales des finances et de la jeunesse et de des sports, missionnées par la ministre Oudéa Castera.

Ce qu’ignore ou feint d’ignorer Bernard Laporte, c’est que l’inspection ne consistait pas à examiner la qualité de sa gestion mais sa régularité. En d’autres termes, l’IGF n’a pas regardé l’opportunité des choix mais le respect des lois et règlements qui régissent le fonctionnement d’une fédération sportive. De nombreux commissaires aux comptes vous le diront : une entreprise peut respecter à la lettre les règles de provisionnement ou de passation d’un marché, et terminer en liquidation judiciaire. Pour ne pas avoir compris cette règle de base, l’équipe dirigeante de la FFR entre 2017 et 2023 a hypothéqué l’avenir, n’en déplaise à “Bernie”.

Certes, celui-ci n’est pas responsable de la crise COVID qui a vidé les stades et les caisses fédérales. Il n’est pas non plus à l’origine du projet de Grand Stade, dont l’arrêt – opportun – a généré des coûts non négligeables. En revanche, les choix de sponsoring, le manque de vigilance sur le contrat passé avec le Stade de France et l’impossibilité – non indemnisée – d’accueillir l’Irlande et l’Angleterre pour le Tournoi 2024, le train de vie de la fédération, sont autant d’exemples de décisions malavisées.

Et s’il a claironné avoir arraché l’organisation de la Coupe du monde 2023 au nez et à la barbe des Sud-Africains, Bernard Laporte est moins loquace aujourd’hui pour justifier l’inscription d’une provision pour risques et charges de 3,3 M€ au titre du GIE Hospitalités, en charge du programme éponyme de la compétition. Alors que celle-ci devait rapporter des millions à la fédération, on redoute aujourd’hui qu’elle ne pèse sur ses comptes.


A la clôture de l’exercice 2023, la FFR affiche un résultat net de 3,6 M€. Mais il faut savoir que cet excédent est dû à un résultat exceptionnel positif de 18,4 M€. Le résultat d’exploitation, qui restitue la réalité de l’exercice des missions de la fédération, est quant à lui négatif de 15,4M€.


La situation est grave, et les perspectives peu réjouissantes, comme en témoigne le retrait du partenaire historique de la FFR qu’est la GMF. Espérons que les mesures engagées par l’actuelle gouvernance permettront d’inverser la tendance. Et que les deux piliers de l’ovalie tricolores que sont le rugby amateur et les équipes de France, ne pâtiront pas de cette très mauvaise passe.

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