“Si les Bleus se plantent [lors du prochain Tournoi], Fabien Galthié va comprendre qu’il a été particulièrement verni jusque-là et que la récréation est finie.”
Ces propos, repris dans le quotidien Le Parisien, ont été tenus par un dirigeant de club professionnel de rugby qui, faisant preuve d’un courage proportionnel à sa hauteur de vue, a gardé l’anonymat. Ils témoignent de l’état d’esprit d’une partie des clubs du Top 14 quant à la relation qu’ils entretiennent avec l’équipe de France de rugby. Une relation d’amour-haine, où les intérêts particuliers semblent plus prompts à se manifester que le souci de dégager un profit collectif pour tous les acteurs du rugby tricolore.
Certains dirigeants partent d’un constat qu’ils érigent en alpha et oméga de leur relation au XV de France : étant les employeurs des joueurs internationaux, ils doivent décider de l’emploi du temps de ces derniers et, à les entendre, font une fleur à la fédération en acceptant de les mettre à sa disposition au-delà de la stricte fenêtre internationale qui donne la priorité au sélectionneur. Tous n’ont pas une approche aussi basique, mais tous la partagent à des degrés divers.
Ainsi, Ugo Mola, l’entraîneur de Toulouse, principal pourvoyeur des Bleus, se fend-il régulièrement d’une interview où un certain ressentiment semble percer derrière le langage policé et les reproches affleurer devant l’insupportable primauté accordée au XV de France. Primauté qui aura empêché son club de réaliser le doublé Brennus – Champions cup l’an passé…
La question de la mise à disposition des joueurs n’est pas nouvelle. Le prédécesseur de Mola, Guy Novès, était coutumier de sorties analogues, jusqu’à ce qu’il revête l’habit de sélectionneur et envisage les choses d’un point de vue un peu différent. Au-delà des efforts financiers consentis pour indemniser les clubs pourvoyeurs d’internationaux, les dirigeants ne paraissent pas s’émouvoir de la contradiction qu’il y a à embaucher des sélectionnés pour se plaindre ensuite qu’ils honorent ce statut. Et, naturellement, ils ne rechignent jamais à utiliser le renom de ces mêmes internationaux pour générer de l’attractivité et, partant, des revenus pour leurs clubs.
Les clubs, on nous l’a suffisamment répété, sont l’ADN du rugby français. Mais cet ADN n’a pas empêché la dérive des formations professionnelles qui, avec le professionnalisme, ont préféré recruter des joueurs étrangers plutôt que de faire confiance aux jeunes issus de leur centre de formation : l’amour du maillot est à géométrie variable en certaines circonstances. A cet égard, malgré ses imperfection, le système des JIFF a permis de remettre un peu d’ordre dans tout cela, tout en favorisant le XV de France. Gagnant-gagnant, en quelque sorte.
C’est cette recherche du “gagnant-gagnant” qui devrait prévaloir dans la relation entre les clubs pros et l’équipe nationale. Chacun se nourrit de l’autre. Il est normal que l’employeur d’un international puisse compter sur lui, en particulier dans les moments cruciaux d’une saison. Mais il est tout aussi normal que le club accepte le revers de la médaille et offre la possibilité à l’équipe nationale de performer le mieux possible. Les plus cyniques ajouteront que l’international d’une sélection qui a le vent en poupe vaut beaucoup plus cher à la revente qu’un joueur qui n’est plus appelé à revêtir le maillot national. Et quand Antoine Dupont ne joue pas avec le Stade toulousain, son maillot à la boutique d’Ernest-Wallon se vend quand-même très bien…
Sur la période 2019-2023, le sélectionneur du XV de France a bénéficié de conditions très favorables pour préparer la Coupe du monde, le fait que celle-ci soit organisée sur notre sol ayant joué en sa faveur. Il apparaît normal que la voilure soit quelque peu réduite aujourd’hui, même s’il serait dangereux de ne pas préserver autant que possible la qualité de la préparation des Bleus. Et si ce n’est malheureusement pas à l’ordre du jour, la question des modalités d’organisation du Top 14, et son calendrier démentiel, devrait elle aussi être posée. Quitte à froisser quelques intérêts particuliers.
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Je partage l’avis sur la conclusion qui n’a pas été développée ici. L’adaptation du calendrier de notre top 14 aux fenêtres internationales avec une réduction nécessaire du nombre de matchs pour la santé des joueurs etpar conséquence la suppression des doublons.