Les clubs du Top 14, ces « milliardaires », comme les surnomme Léo Cullen, le directeur du rugby du Leinster, ont donc, une fois de plus, vu l’un des leurs remporter la Champions Cup. Le Stade toulousain va pouvoir broder une sixième étoile sur son maillot, quand celui des Irlandais restera orné de quatre exemplaires.
Pauvres Leinstermen ! Défaits pour la troisième fois d’affilée en finale du trophée “européen”, les hommes d’Erin ne les ont pas eus assez solides pour surmonter l’obstacle toulousain.
Faut-il y voir une malédiction ? La réalité apparaît plus prosaïque : moins fluides dans leur jeu, moins « cliniques » dans leurs offensives, les joueurs du Leinster se sont en outre heurtés à des Toulousains qui avaient décidé de leur imposer une intensité défensive élevée et de les prendre à leur propre piège, en ralentissant les rucks et en coupant très vite les ailes de leurs attaquants.
Au sortir du match, Léo Cullen a évidemment souhaité se projeter sur l’avenir plutôt que de ressasser le passé, mettant cette nouvelle défaite sur le compte de la malchance ou de quelques mauvais choix, d’une “pièce tombée du mauvais côté”. Pourtant, il est difficile de ne pas considérer que ce nouvel échec de la province irlandaise marque les limites actuelles d’un système centré sur l’équipe nationale mais dont profite pleinement le Leinster comme, dans un moindre degré, ses trois concurrentes du Munster, de l’Ulster et du Connacht.
Qu’une équipe, composée à 90 % d’internationaux irlandais, entièrement focalisée sur la Champions cup, et qui ménage ses joueurs dans cette perspective (ainsi James Lowe a disputé cette saison un seul match d’URC, le championnat domestique) ne soit pas en mesure de soulever une seule coupe depuis 2018, voilà qui fait tâche dans le business plan.
Léo Cullen, qui brocarde le Top14 en insinuant que l’argent fait la différence, semble oublier que son équipe pèse environ 15 M€, et que les internationaux sont sous contrat avec l’IRFU qui prend en charge l’intégralité de leur rémunération. Même si la province devra contribuer financièrement à leur salaire à partir de l’an prochain, elle conservera suffisamment d’argent pour attirer dans son équipe quelques joueurs d’exception à l’image de Jordie Barrett, attendu dans les prochains moins à Dublin, et étoffer son staff, à l’image du Sud-Africain Jacques Nienaber, arrivé l’an passé.
Nienaber, auréolé d’un titre de champion du monde avec les Springboks, avait pour mission de renforcer la défense du Leinster et d’insuffler à ses nouvelles troupes le sens de la gagne qui paraît leur échapper depuis six ans. Au terme de cette première saison, l’ancien collaborateur de Rassie Erasmus a mis en place une défense dont l’efficacité s’est émoussée au fil de la rencontre face à Toulouse. Et le technicien n’est, semble-t-il, pas le magicien mental escompté : à l’image de Ciaran Frawley, qui a raté le drop de la victoire à quelques encablures perches, ou de Caelan Doris, auteur d’une faute stupide et décisive dans la prolongation, les joueurs du Leinster n’avaient pas la tête tout à fait à l’endroit au moment de disputer leur troisième finale de rang.
Sans céder à la tentation de dresser un parallèle avec l’équipe nationale, qui se heurte tous les quatre ans à l’incroyable plafond de verre des quarts-de-finale de coupe du monde, on s’interroge sur la tout aussi ahurissante série qui frappe le Leinster. On pensait que les internationaux français n’avaient pas la tête tout à fait à l’endroit après leur élimination face aux Springboks en octobre dernier.
Mais il faut croire que l’envers, c’est aussi les autres.