Rideau (de fer) sur la Coupe du monde

Samedi s’est conclue la seconde coupe du monde de rugby organisée sur le sol français. Et comme pour sa devancière, l’équipe de France et ses supporters ont regardé, de loin, un capitaine Sud-africain brandir la timbale dorée.

En 2007, les espoirs tricolores de trophée s’étaient brisés sur un XV de la Rose qui n’avait plus tout à fait le même éclat que trois années auparavant, lorsqu’il fut titré, mais toujours suffisamment d’épines pour empêcher les hommes de Bernard Laporte d’accéder à la finale contre les Springboks.

Seize ans plus tard, sans Bernard Laporte, écarté de la FFR après avoir ravi l’organisation de la compétition à l’Afrique du Sud, les Français ont bien joué contre les gros hommes verts, mais toujours pas en finale, malheureusement. Leur parcours s’est arrêté en quarts, pour un petit point, soit quatre de moins que ceux laissés en route par Thomas Ramos, dont deux qui continueront longtemps de faire parler, à moins que Cheslin Kolbe ne mette tout le monde d’accord en remportant la médaille d’or de l’épreuve du cent mètres aux prochains jeux olympiques.

Pour les Bleus, le constat est naturellement celui d’un échec. On ne peut pas parler d’autre chose quand on vise le titre et qu’on quitte la compétition de manière prématurée, fût-ce contre les futurs champions du monde. Mais parler de naufrage ou de désastre, comme on a pu le lire dans la presse ou sur les réseaux sociaux, relève au mieux de la mauvaise foi, au pire d’une espèce de jouissance sadique qui n’aurait pas déplu au divin Marquis.

S’il aura manqué au XV de France un certain nombre d’ingrédients pour que la mayonnaise ne tourne pas à l’aigre, on pourra toujours estimer que sa stratégie de dépossession, tellement critiquée ces derniers mois, n’était pas si mal vue, au regard du résultat final d’une coupe du monde remportée par une équipe qui a passé plus de temps à refuser le jeu qu’à en produire, et s’est complu à priver ses adversaires de munitions tout en utilisant l’essentiel des siennes à taper (fort bien, au demeurant) dans le camp d’en face.

Pour trouver du jeu, il a surtout fallu regarder ces équipes dites du “tier 2”, voire du “tier 3” (magnifique Portugal !), conviées tous les quatre ans à occuper le temps pendant le premier mois de la compétition, avant que les choses sérieuses ne débutent et que les nations du haut du panier ne se disputent la coupe Webb-Ellis.

S’il faut reconnaître que l’intensité n’a pas manqué à l’occasion des matchs à élimination directe ou lors des affrontements entre favoris lors des phases de poule, cette intensité ne s’est pas, loin s’en faut accompagnée d’une orgie de jeu. Le rentre-dedans a prévalu sur l’évitement, le jeu au pied sur celui à la main et le ralentissement des rucks, érigé au rang d’art par les Irlandais ou les Sud-africains, mais pratiqué systématiquement par toutes les équipes, a sonné le glas des velléités d’attaques. Quant aux statistiques d’essais inscrits, elles sont, comme souvent, à prendre avec des pincettes : ainsi 18 des 30 essais inscrits par les Springboks l’ont été face à la Roumanie et aux Tonga.

On rétorquera que c’est souvent le cas lors des coupes du monde, qui voient souvent un jeu restrictif l’emporter sur toute autre forme de rugby. C’est certainement vrai, même si le souvenir des deux dernières éditions reste celui d’un jeu un poil plus enlevé. Il est en revanche assez gênant de constater que le discours dont World rugby nous a rebattu les oreilles pendant plusieurs mois en faveur d’un rugby d’attaque, discours accompagné de nouvelles règles (50-22) et de directives aux arbitres, a rapidement fait pschitt durant cette édition.

Le rideau est donc tombé sur la scène ovale mondiale. Mais pas celui qu’on imaginait, chamarré, du théâtre de nos rêves de jeu débridé.

Plutôt celui de fer, planté au ras de chaque regroupement et devant la ligne d’en-but des nations majeures de ce sport.

3 comments

    • dazdapertrakz on 31 October 2023 at 9h44
    • Reply

    Je ne connaissais pas l’ancienne version de ton blog, et c’est bien dommage. Ton style est très agréable et tes analyses intéressantes. En espérant te lire à l’avenir !

    1. Merci pour ce sympathique commentaire 🙂

    • Black cloud on 1 November 2023 at 20h42
    • Reply

    Bravo pour cet article !

    Je partage ton analyse, cette coupe du monde n’a pas récompensé le beau jeu, la prise de risque, l’offensive…

    Le champion du monde a gagné une finale sans produire de jeu à 15 contre 14 et en jouant sur les fautes tactiques, “winning uggly” en résumé…

    Et World Rugby a parfaitement montré au reste du monde comment ruiner un (beau) sport à l’aide de l’arbitrage vidéo.

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