Comme à chaque présaison, la présentation des nouveaux maillots des clubs du Top14 suscite de nombreux commentaires de la part des supporters, soit pour se féliciter du choix des motifs ou des couleurs, soit, peut-être plus fréquemment, pour déplorer tel ou tel choix jugé malheureux de la part de l’équipementier. Cette année, ce ne sont pas tant les audaces stylistiques qui ont provoqué l’ire de certains fans ou amateurs de rugby, que le choix de deux clubs – le Racing92 et Agen, de positionner leur blason au bas de leur maillot.
La bronca, née sur les réseaux sociaux, a été opportunément reprises par plusieurs journalistes qui lui ont donné, sinon une légitimité, du moins un écho important.
Ce n’est pas la première fois que le logo d’un club est expulsé de son emplacement traditionnel, le cœur, vers un autre endroit du maillot. On a ainsi vu des blasons se promener sous le col, au milieu du maillot, ou sur le côté droit. Mais ce choix pour le moins inhabituel de le déplacer au niveau de la hanche donne le sentiment qu’une étape est franchie dans l’abandon définitif d’une certaine idée du rugby.
Certes, l’existence du logo du club sur le cœur n’est pas née avec ce sport dont les maillots ont longtemps été vierges d’inscription, à l’exception des tuniques nationales qui ont rapidement été blasonnées. Pour autant, la pratique d’arborer un écusson siglé du club, si elle n’a pas toujours été systématique, est plus que centenaire chez un certain nombre de formations. Depuis une vingtaine d’année, elle était devenue la règle y compris chez les clubs amateurs.
En choisissant d’expulser leur blason du haut de leur tunique, le Racing et Agen ont privilégié leur finances à leur image, même si on a le sentiment que la dégradation de l’une pourrait se répercuter à terme sur les autres. Les sponsors désormais placé sur le cœur – comme le portefeuille diront certains – bénéficient d’une visibilité accrue et, au moins temporairement, de l’effet blason, le regard étant habitué à se porter sur cette endroit du maillot.
Ce nouvel avatar de l’évolution du rugby rejoint celui des sponsors inscrits sur les postérieurs des shorts (encore une idée du Racing, soit dit en passant) ou encore sur les pattes de cols. Plus aucun emplacement du corps des joueurs n’est désormais oublié.
En 2010, au lendemain d’une déculottée concédée face à l’Angleterre, et alors que le phénomène publicitaire autour de Sébastien Chabal avait très largement dépassé sa valeur sportive, le journaliste Pierre-Michel Bonnot avait férocement écrit : « Si une telle déroute permet de remettre enfin Chabal à sa vraie place, ni en deuxième ni en troisième ligne ni même sur le banc, mais sur les panneaux de pub à l’arrière des abribus, elle n’aura pas été totalement inutile. »
Aujourd’hui, cette saillie tomberait peut-être plat. Car chaque joueur est désormais un abribus en puissance.